Comme de nombreux juifs polonais exilés à Paris avant la Seconde Guerre mondiale, l’adolescent qu’est alors Charles Denner vit en reclus avec sa famille, dans un petit deux pièces de la rue Basfroi. Aidé par ses aînés, son père taille ou reprend des costumes pour subsister. Le jeudi Charles peut s’évader de l’appartement et se réfugie au cinéma le Magic de la rue de Charonne et parfois au grand Rex, avec son frère Alfred. Sa vocation de comédien naît certainement dans l’obscurité de ces salles où se révèle la possibilité d’être autre.
Charles Denner est né le 28 mai 1926 à Tarnow (province de Galicie) en Pologne, de Jeanne Denner (née Jenta Micenmacher) et Joseph Denner. Sa famille s’installe ensuite à Nowy Sacz d’où elle fuit les menaces de persécutions et les pogroms pour s’exiler en France en 1930. Charles Denner a 4 ans. Il se fera naturaliser français après la seconde guerre mondiale.
Charles Denner nait de Joseph et Jeanne Denner en Pologne le 28 mai 1926 à Tarnow (province de Galicie). Ses parents auront quatre, enfants, Elyse, l’ainée, Alfred le cadet, Charles, puis enfin Jacques, le benjamin. Des quatre enfants plus aucun d’eux ne subsiste aujourd’hui. Elyse Schlanger Denner ayant disparu le 30 avril 2015.
1928 – Nowy Sacz
La famille Denner s’installe à Nowy Sacz, au rez de chaussée d’une maison dans la ville. Les fenêtres de l’arrière de la maison donnaient sur la chaîne des montagnes Tatras. Des skieurs passaient en glissant sur la neige. Alfred et Charles restaient des heures accoudés à la fenêtre à les regarder et à attendre. Leur mère avait dit aux deux garçons que les cigognes allaient leur apporter un petit frère ou une petite sœur. Et ils attendaient là. Puis leur petit frère Jacques est né un peu après.
Plus tard, Charles a vu son père Joseph qui dansait dans un tonneau rempli de choux blanc. Il portait de grandes chaussettes blanches couvrant le bas de son pantalon. Il était accompagné par un violoniste qui jouait pour lui donner de l’entrain.
1930 – En avril
« Je devais alors avoir quatre ans. C’était un soir de Ceder et je roulais d’un bord à l’autre d’un lit immense et très large où l’on m’avait déposé. J’avais dû avaler deux fonds de verre de la liqueur de cerise qui avait servie au début du repas à faire la bénédiction. Fred me regardait avec des yeux comme des soucoupes. Et j’étais complètement saoûl, pour la première fois de ma vie. »
Cliché privé : « Les grands-parents maternels de Charles Denner »
Dans cette Pologne des persécutions et des pogroms à l’encontre des juifs, leur père qui est tailleur, prépare l’exil de sa famille vers la France.
Après deux échecs de la traversée de l’Europe, en 1926 et 1928, en se faisant passer pour un ferronnier dont il n’a pas les mains calleuses, c’est avec des papiers de curiste pour Vichy, où il ne se rendra jamais, qu’il réussit à rejoindre Paris en avril 1930. Cette même année, un peu après son installation, sa famille le rejoint. Charles qui a quatre ans ne parle que le yiddish comme eux tous. Après avoir été hébergée chez une tante, arrivée un peu avant, sa famille trouve un pauvre logement au 20 de la rue Basfroi dans le 11eme arrondissement de Paris. Aidé par sa femme et les ainés, son père réussit à reprendre son activité de tailleur dans le quartier. Le logement au quatrième et dernier étage du 20 de la rue Basfroi à Paris est composé d’une première pièce de quatre mètres sur six qui sert de logement et d’atelier de tailleur «au père». Une autre de deux mètres sur deux sans eau courante tient lieu de cuisine. Les w.-c. sont dans la cour et le point d’eau et de vidange de l’eau sale au deuxième étage. Les habitants comptent plus de juifs que de non juifs, dont beaucoup sont des veuves de 1914 – 1918. Ces femmes sont souvent haineuses avec les enfants « yuppes » de l’immeuble, à deux exceptions près : La fille de la voisine de palier qui a vingt ans. Elle corrige les devoirs d’Alfred pour qu’il obtienne les meilleures notes à l’école. Joseph lui fera un manteau pour la remercier. Il y a aussi Madame Audran, une veuve âgée qui vit là depuis la mort de son mari, tué aussi durant la première guerre mondiale, que Jenta, appelle pour prendre le café à quatre heures.Dans ce logement il n’y a qu’une table, qui sert surtout de table à repasser. Quand les quatre enfants reviennent de l’école à midi pour déjeuner, si le père doit repasser, ils s’assoient sur le rebord des deux grandes valises sorties de dessous le lit. Et les assiettes sont posées sur les chaises pour qu’ils puissent manger. Charles est inscrit avec son frère Alfred, à l’école communale de la rue Trousseau. Avec son fort accent yiddish et son naturel de justicier bagarreur, au grand désespoir de sa mère et de la colère de son père, il en revient souvent avec un œil au beurre noir et des habits déchirés.
Cliché carte postale Gondry : « 1, rue Basfroi à Paris »
Pavillon du 17 de la rue du Temple à Saint Maur des Fossés.
Ce lieu qui restera celui où vivront les parents de Charles Denner jusqu’à leur mort, construit la parenthèse d’un bonheur qui dure cinq ans avant que la seconde guerre mondiale ne les en chasse pour y revenir après la libération de la France.
Cliché privé : Les parents de Charles Denner en 1945 à Saint-Maur